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Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/77

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LES DEMI-SEXES

Le lendemain, pour se procurer des sensations différentes, elles allaient, masquées jusqu’aux dents, au bal de l’Opéra. Les coudes sur le rebord de la loge, elles voyaient un fourmillement de têtes au-dessous d’elles ; au dessus, le plafond merveilleux, un voile éblouissant de feux blancs, les guirlandes d’or des balcons ; puis, du haut en bas, sur le repoussoir du fond rouge, des cravates blanches, des visages congestionnés par la chaleur, des habits noirs, des ombres de femmes emmitouflées dans des capes de dentelles. En bas, entre les municipaux effarés, circulaient des flots de masques qui se heurtaient, se complimentaient, s’invectivaient ou se caressaient. Les yeux se fatiguaient à suivre le papillotement des coiffures, des couleurs, des jupes pailletées, des maillots, dans cet océan de flammes capricieuses et dansantes. Sur tout cela planait le déchaînement des cuivres, la batterie ronflante des tambours, le tonnerre de l’orchestre entier, mêlés aux cris, aux baisers, aux huées d’une foule en délire.

Camille et Nina se taisaient, hypnotisées par ce brouillard de rayons, par ce concert de rumeurs, par cette buée fauve dans la pous-