Aller au contenu

Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
155
— 1813 —

Napoléon à l’occasion du rôle de Bernadotte en 1813, on ne renonce pas à sa mère ; encore moins est-on tenu à lui percer le sein et à lui déchirer les entrailles. » Ce blâme énergique n’a rien d’exagéré. Si le prince royal de Suède avait eu le cœur au niveau de l’intelligence[1], il aurait compris que, dans cette lutte, sa place était à Stockholm, non à l’armée ; il aurait laissé à un autre général suédois le soin de guider les coups portés à nos soldats par ses nouveaux compatriotes. Mais, comme le vulgaire des ambitieux, il se laissa entraîner par la pensée d’arriver encore plus haut qu’il n’était monté. Alexandre, dans une conférence qu’ils eurent à Abo, lui avait fait entrevoir la succession de Napoléon comme le but où il pouvait aspirer. Cette vision éblouit Bernadotte et lui fit oublier ce qu’il devait à son ancienne patrie et au souverain qui lui avait laissé prendre une couronne.

Si la conduite de Bernadotte fut coupable, on peut du moins l’expliquer. Il est plus difficile de comprendre le rôle de Moreau. Condamné à deux ans de prison par les juges qui envoyèrent Georges Cadoudal et quelques-uns de ses complices à l’échafaud, Moreau avait été gracié par Napoléon. Il y a plus : conduit sur sa demande à la frontière d’Espagne, et prenant congé du colonel de gendarmerie chargé de l’accompagner

    du Trésor public, au prince de Ponte-Corvo, soit remboursé par mon domaine extraordinaire, afin de terminer cette affaire.
    Fontainebleau, 24 octobre 1810.

    « Napoléon »

  1. On lit dans les Considérations sur la Révolution française, de madame de Staël :
    « Lorsqu’on vint annoncer à Bernadotte que les Français étaient entrés dans Moscou, les envoyés des puissances à Stockholm, alors réunis chez lui, étaient consternés ; lui seul déclara formellement qu’à dater de cet événement la campagne des vainqueurs était manquée. Et, s’adressant à l’envoyé de l’Autriche, dont les troupes, à cette époque, faisaient partie de l’armée de Napoléon : « Vous pouvez le mander à votre Empereur, lui dit-il ; Napoléon est perdu, bien que cette prise de Moscou semble le plus grand exploit de sa carrière militaire. » J’étais près de lui quand il s’exprima ainsi, et j’avoue que je ne croyais pas entièrement à ses prophéties. »