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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/18

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— 1793 - 1799 —

nait près des quartiers généraux voisins de la frontière. Les régiments commandés par Pichegru composaient l’armée de Rhin-et-Moselle ; échelonnés sur la rive gauche du Rhin, depuis Huningue jusqu’à Mayence, ils faisaient face à l’armée de Condé, disséminée par détachements le long de la rive droite. Un de ces hardis entremetteurs politiques qui sont à la recherche de toutes les corruptions eut la pensée de mettre ce voisinage à profit pour gagner Pichegru. Il parvint jusqu’à lui. Pichegru l’écouta ; la négociation fut immédiatement entamée. La dignité de maréchal de France et le gouvernement de l’Alsace, le cordon rouge, le château de Chambord avec son parc, un million comptant, une rente de 200,000 livres et un hôtel à Paris, voilà quelles furent les offres faites à Pichegru, qui les accepta, heureux de se livrer à des conditions si magnifiques. On exigea des gages. Pichegru, chargé de seconder avec son armée un mouvement que l’armée de Sambre-et-Meuse devait opérer en avant de Mayence, fit manquer l’opération en faisant battre ses troupes, en laissant forcer ses lignes et enlever toute son artillerie par Clairfayt. Les gages étaient donnés, on s’occupa de conclure : ici, les deux parties cessèrent de s’entendre. Pichegru voulait passer le Rhin, grouper autour de lui l’armée autrichienne et l’armée de Condé, puis, la jonction faite, proclamer Louis XVIII, arborer le drapeau blanc, repasser le fleuve à la tête de toutes ces forces, et marcher sur Paris après avoir successivement occupé toutes les places mises sous son commandement, et qu’il aurait confiées d’avance des officiers gagnés au complot. Ce plan était repoussé par le prince de Condé. Ce prince désirait que le mouvement fût exclusivement français ; il voulait que Pichegru débutât par lui livrer Huningue et deux autres places où les émigrés proclameraient eux-mêmes le roi, et arboreraient le drapeau blanc ; c’était seulement après l’accomplissement de ces préliminaires qu’il consentait à mêler ses soldats à ceux de Pichegru, et à marcher ensemble sur Paris.