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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/207

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— 1814 —

Votre commission a été entraînée par des gens dévoués à l’Angleterre : M. Lainé, votre rapporteur, est un méchant homme. Son rapport a été rédige avec une astuce et des intentions dont vous ne vous doutez pas. Deux batailles perdues en Champagne eussent fait moins de mal.

Dans votre rapport, vous avez mis l’ironie la plus sanglante à côté des reproches ! Vous dites que l’adversité m’a donné des conseils salutaires. Comment pouvez-vous me reprocher mes malheurs ? Je les ai supportés avec honneur, parce que j’ai reçu de la nature un caractère fort et fier, et, si je n’avais pas cette fierté dans l’âme, je ne me serais pas élevé au premier trône du monde.

Cependant j’avais besoin de consolations, et je les attendais de vous. Vous avez voulu me couvrir de boue ; mais je suis de ces hommes qu’on tue, mais qu’on ne déshonore pus.

Était-ce par de pareils reproches que vous prétendiez relever l’éclat du trône ? Qu’est-ce que le trône, au reste ? Quatre morceaux de bois revêtus d’un morceau de velours. Tout dépend de celui qui s’y assied. Le trône est dans la nation. Ignorez-vous que c’est moi qui la représente par-dessus tout ? On ne peut m’attaquer sans l’attaquer elle-même. Quatre fois j’ai été appelé par elle ; quatre fois j’ai eu les votes de cinq millions de citoyens pour moi. J’ai un titre, et vous n’en avez pas. Vous n’êtes que les députés des départements de l’Empire.

Est-ce le moment de me faire des remontrances, quand 200,000 Cosaques franchissent nos frontières ? Est-ce le moment de venir disputer sur les libertés et les sûretés individuelles, quand il s’agit de sauver la liberté politique et l’indépendance nationale ? Vos idéologues demandent des garanties contre le Pouvoir : dans ce moment, toute la France ne m’en demande que contre l’ennemi.

N’êtes-vous pas contents de la Constitution ? C’est il y a quatre mois qu’il fallait en demander une autre, ou attendre deux ans après la paix. Vous parlez d’abus, de vexations ; je sais cela comme vous ; cela dépend des circonstances et des malheurs du temps. Pourquoi parler devant l’Europe armée de nos débats domestiques ? Il faut laver son linge sale en famille. Vous voulez donc imiter l’Assemblée constituante et recommencer une révolution ? Mais je n’imiterai pas le roi qui existait alors ; j’abandonnerais le trône, et j’aimerais mieux faire partie du peuple souverain que d’être roi esclave ! »

Ces paroles, prononcées d’une voix forte, vibrante, produisirent un effet que nous devons renoncer à décrire. La trivialité de quelques expressions, la personnalité hautaine et l’indomptable fierté qui perçaient sous chaque justification,