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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/217

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— 1814 —

mes, voilà la seule force que Napoléon peut opposer aux masses de Schwartzenberg et de Blücher, masses qui, dans trois mois, s’élèveront à 500,000 soldats. Le succès ne serait pas douteux s’il disposait des 70,000 hommes qui défendent notre frontière d’Espagne, et des 140 à 150,000 soldats qu’il a imprudemment jetés dans les places fortes de la Pologne et du nord de l’Allemagne ! Toutefois, réduit, comme il est, à se battre un contre cinq, il ne désespère pas de la fortune ; le génie qui, l’année précédente, lui aurait encore une fois donné l’Europe, — après les batailles de Lutzen et de Bautzen, s’il avait eu de la cavalerie ; après la bataille de Dresde, si Vandamme avait été appuyé, — ce génie ne l’abandonnera pas ; loin de là : jamais il n’aura brillé d’un éclat plus vif ; jamais Napoléon ne se sera montré plus grand capitaine. Nouvel Antée, il lui aura suffi de toucher la terre natale pour retrouver toute la force, toute l’énergie de ses plus jeunes et de ses plus belles années de gloire.

Ce fut le soir même du 25 janvier que Napoléon arriva au quartier général de Châlons-sur-Marne. L’approche de l’ennemi avait jeté une sorte de stupeur sur toute la route qu’il venait de parcourir ; son passage suffit pour rassurer les populations ; son arrivée prochaine à l’armée était pour elles un gage de délivrance. Napoléon allait se battre ; donc il allait vaincre. Aussi sa présence, dans chaque village, à chaque relais, était-elle accueillie par des cris frénétiques de vive l’Empereur ! auxquels se mêlaient toutefois, comme une plainte contre le système administratif et une critique amère du régime économique de son règne, les cris de : À bas les droits réunis !

L’arrivée de Napoléon à Châlons suspendit le mouvement rétrograde des corps français que les masses de l’ennemi poussaient devant elles ; tous s’arrêtèrent. Dès le lendemain 26, ces corps, réunis aux troupes arrivées de Paris les jours précédents, reprirent l’offensive, traversèrent Vitry-le-Français pendant la nuit, et, le 27 au matin, rencontrèrent à