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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/240

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— 1814 —

continent, et l’arrivée de ce prince en Suisse. M. de Vidranges, en homme plus avisé que ses collègues, se donna la mission de porter au prince la nouvelle de leur tentative royaliste. M. de Gouault resta.

Vingt-cinq ans s’étaient écoulés depuis que la cocarde tricolore avait été substituée à la cocarde blanche : la croix de Saint-Louis avait disparu depuis vingt-trois ans. La population de Troyes, lorsqu’elle vit défiler au milieu des rues ces couleurs et ces insignes oubliés, n’éprouva d’abord qu’un sentiment de profonde surprise. Mais, lorsque les quelques habitants qui avaient connu l’ancien régime eurent expliqué la signification des croix et des cocardes, lorsqu’on apprit surtout la démarche de M. de Vidranges et de ses amis auprès du chef des coalisés, l’étonnement fit place à l’indignation : on oublia les royalistes ; on ne vit plus dans les membres de la députation que des ennemis et des traîtres. La colère fut si forte, que, le 24, quand Napoléon entra dans la ville, des cris de vengeance se mêlèrent aux acclamations qui partaient de toutes les bouches. L’Empereur dut céder au sentiment public. À peine descendu à son logement, il jeta ses gants sur une table, et, la cravache encore à la main, il ordonna la réunion d’un conseil de guerre où M. de Gouault seul parut. Condamné à mort, sa famille essaya de le sauver. Une demande en grâce fut remise, le lendemain matin du jugement, par M. de Mesgrigny, écuyer de service et compatriote du condamné. L’Empereur ordonna immédiatement de suspendre l’exécution ; mais, quand l’officier d’ordonnance porteur de l’ordre arriva, M. de Gouault venait d’être passé par les armes avec cet écriteau sur la poitrine : Traître à la patrie.

La manifestation du 11 février fut un acte de mouvement spontané, une tentative isolée. Aucun plan de restauration n’existait à cette date. Dans quelques salons de Paris, dans un petit nombre de châteaux de province, on commençait à regarder la chute de l’Empire comme un événement possible ;