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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/268

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— 1814 —

les avait vues se lasser ou faiblir. Luttant toujours un contre cinq, quelquefois un contre dix, partout où elles avaient pu joindre l’ennemi, leurs coups avaient été terribles. Un grand nombre, conscrits ou gardes nationaux mobilisés, venaient de quitter leurs familles et le bien-être du foyer domestique ; pas un murmure, pas une plainte, ne s’élevaient pourtant parmi eux. Napoléon n’avait qu’à marcher, et tous, vétérans ou soldats de la veille, attachés fidèlement à ses pas, l’auraient suivi jusqu’au fond de l’Europe. Le peuple des campagnes n’était ni moins dévoué ni moins énergique ; les maux de la guerre exaltaient son courageux patriotisme au lieu de le glacer. Dans la journée même du 27, les paysans du petit village de Saint-Thibaut amenèrent à l’Empereur, conduits sur des charrettes, un ambassadeur autrichien, un général suédois, un conseiller de guerre prussien et plusieurs officiers généraux russes pris, la veille, par eux, et dont ils avaient dispersé l’escorte. Parmi ces prisonniers, se trouvait un personnage royaliste dont nous aurons occasion de parler, M. de Vitrolles, qui venait de quitter le comte d’Artois à Nancy. M. de Vitrolles, se glissant parmi les domestiques de ses compagnons de charrette, parvint à s’échapper. Napoléon rendit la liberté aux autres prisonniers. Peu de jours auparavant, le 10 mars, les habitants du village de Pers, arrondissement de Montargis, apprenant l’arrestation de la voiture de la poste aux lettres par une colonne de cavalerie russe, s’étaient réunis aux sons du tocsin, et, rangés en bataille par leur curé, nommé Pothier, qui, le pistolet au poing, leur avait donné lui-même le signal de l’attaque, ils s’étaient précipités sur les Russes, les avaient mis en fuite et avaient délivré la voiture ainsi que ses conducteurs. Ce n’étaient pas non plus ces braves paysans qui eussent exigé de l’Empereur qu’il cessât la lutte au prix d’indignes sacrifices ! Mais, emprisonné au milieu des triples barrières que, dans les déplorables calculs d’une fausse grandeur, lui-même avait élevées autour