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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/267

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— 1814 —

pagne un développement inattendu, pousserait-il droit au Rhin, soulevant les populations sur son passage, soufflant dans toutes les âmes le feu de la vengeance et de la guerre ? Libre de ses mouvements comme il l’était, qui donc l’empêcherait de pénétrer dans l’Allemagne aujourd’hui sans soldats ; de réunir à son armée, que grossirait une partie des garnisons françaises d’entre le Rhin et la Meuse, les 60 à 70,000 combattants encore enfermés dans les places du haut Weser et de l’Elbe ; puis, tandis que l’insurrection de tous les départements de l’Est et du Centre tiendrait les souverains enfermés dans Paris, de parcourir en victorieux les États désarmés de ses adversaires, de porter, à son tour, la terreur jusque dans Vienne et dans Berlin ?

Mais, en même temps que ces pensées fermentaient dans l’esprit de Napoléon, les murmures qu’il avait entendus les jours précédents s’élevaient autour de lui plus violents et plus nombreux. Ce qui les surexcite, c’est la nouvelle du nouveau mouvement des Alliés sur Paris. Paris, disait-on, allait être enlevé de vive force et livré au pillage. Des intérêts égoïstes, dissimulant leurs secrètes préoccupations, s’indignaient à la pensée de l’incendie dévorant ces palais, ces monuments, dépôts inestimables, gages glorieux de la richesse et de la grandeur nationales. C’est à Paris qu’il faut courir ! s’écriait le haut état-major tout d’une voix.

Si Napoléon, traversant les rangs pressés de ses premiers généraux et de sa maison militaire, avait interrogé le patriotisme des officiers inférieurs et des simples soldats, il n’aurait rencontré dans ce peuple de l’armée qu’un sentiment, la haine de l’ennemi, qu’une préoccupation, la crainte de ne pas lui faire payer assez cher l’audace de l’invasion. Depuis deux mois, ces bandes héroïques ne connaissaient plus le repos ; obligées chaque jour à de nouveaux combats ou à des marches nouvelles, sans pain souvent et souvent sans abri, au milieu de la saison la plus rude de l’année, nulle part on ne