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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/303

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— 1814 —

Mais l’Empereur avait parlé, et telle était la soumission aveugle, absolue, à laquelle il avait habitué les personnages même les plus élevés de son empire, que MM. Boulay (de la Meurthe), de Talleyrand, Defermon, et le duc de Cadore restèrent à peu près seuls du parti de la désobéissance. Le départ fut décidé ; il était alors plus de minuit.

« Si j’étais ministre de la police, dit en sortant de la salle un des membres au duc de Rovigo, Paris serait insurgé avant vingt-quatre heures et l’Impératrice ne partirait pas.

— Il dépendait du conseil de l’empêcher de partir, » répondit le ministre de la police.

M. de Talleyrand marchait alors près de ce dernier ; il se tourna de son côté et lui dit :

« Eh bien, voilà donc la fin de tout ceci ? C’est perdre la partie à beau jeu. Pardieu, l’Empereur est bien à plaindre ! mais on ne le plaindra pas, car son obstination à garder son entourage n’a pas de motif raisonnable. C’est une faiblesse qui ne se comprend pas dans un homme tel que lui. Voyez, monsieur, quelle chute dans l’histoire ! donner son nom à des aventures au lieu de le donner à son siècle ! Quand je pense à cela, je ne peux m’empêcher d’en gémir. Maintenant, quel parti prendre ? Il ne convient pas à tout le monde de se laisser engloutir sous les ruines de cet édifice. Allons ! nous verrons ce qui arrivera. L’Empereur, au lieu de me dire des injures, aurait mieux fait déjuger ceux qui lui inspiraient des préventions ; il aurait vu que des amis comme ceux-là, sont plus à craindre que des ennemis. »

On assure que M. de Talleyrand, à l’occasion de son opposition au départ de l’Impératrice et du roi de Rome, n’a pas craint de dire plus tard : « On se méfiait de moi ; je savais que, si je conseillais le départ, l’Impératrice resterait ; je n’ai insisté pour qu’elle demeurât que dans le but de décider plus sûrement sa retraite sur Blois. »

Ce langage, si M. Talleyrand l’a tenu, est encore un de ces