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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/307

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— 1814 —

de son fils. Le lent et triste cortége, qui emportait la fortune de l’Empire, défila au milieu d’une double haie de spectateurs étonnés et silencieux, longea le quai des Tuileries, le quai de Chaillot, et franchit la barrière de Passy, au même moment où les têtes de colonnes des maréchaux Mortier et Marmont, battant en retraite depuis Fère-Champenoise, arrivaient par le pont de Charenton, et lorsque, du haut des collines qui couronnent le côté opposé de Paris, les habitants de Montmartre et de Belleville voyaient l’avant-garde des coalisés déboucher de la forêt de Bondy.

La présence des maréchaux Mortier et Marmont sous les murs de Paris, le 29, était un événement tout fortuit. S’ils avaient pu rejoindre l’Empereur, comme ils en avaient reçu l’ordre et comme ils avaient essayé de le faire ; s’ils n’avaient pas été battus à Fère Champenoise ; si, dans leur retraite, ils avaient pris un autre chemin ou s’étaient reposés un seul jour, l’entrée de Paris n’aurait pas été disputée aux Alliés. Ce furent le hasard et une défaite qui donnèrent à cette capitale quelques défenseurs !

La physionomie de Paris dans cette journée du 29 était singulièrement étrange. « Paris, du côté du midi, était en état de désertion, a dit un témoin oculaire, ministre de Napoléon ; depuis la barrière jusqu’à Chartres, ce n’était qu’un immense convoi de voitures de toute espèce ; on ne peut se faire une idée de ce spectacle lorsqu’on ne l’a pas vu[1]. » Tandis que les barrières situées au midi de la capitale de l’Empire donnaient ainsi sortie aux longues files d’équipages de l’aristocratie impériale, on voyait entrer, par les barrières du nord, les habitants de la plupart des villages situés entre Paris et Meaux, fuyant devant les Alliés, et amenant avec eux leurs enfants, leurs meubles, leurs grains, leurs chiens et leurs bestiaux. Ces tristes arrivages avaient commencé dès la veille.

  1. Mémoires du duc de Rovigo, tome VIII.