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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/326

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— 1814 —

à Montmartre[1]. Éloignée de plus de trois quarts de lieue du théâtre de la bataille, dont la séparaient, d’ailleurs, les deux canaux de l’Ourcq et de Saint-Denis, les populeux villages de la Villette et de la Chapelle, et les positions défendues par Mortier, la butte Montmartre fut pas inquiétée, même par les éclaireurs de l’ennemi, pendant la plus grande partie de la journée du 30. Ce fut à cet observatoire commode et sûr que le roi Joseph, accompagné du roi Jérôme son frère et du ministre de la guerre Clarke, vint se placer pour juger et attendre les événements. Si ce prince avait eu le cœur ou l’intelligence au niveau de sa position, au lieu d’assister à la chute de Paris et du trône impérial en spectateur inoccupé, on l’aurait vu, s’installant au centre de la capitale, appeler la population aux armes, distribuer des fusils et des cartouches, et diriger vers les positions des deux maréchaux ou détacher sur les flancs de l’ennemi les 15 à 20,000 volontaires levés à cet appel, les 25 à 30,000 soldats de dépôt qu’il laissait inactifs dans leurs casernes de la banlieue ; ou bien encore, prenant place derrière les combattants de Chaumont et de Belleville, il aurait donné aux généraux et aux soldats ces encouragements, ces éloges qui sont assurément le moindre prix dont les chefs des nations puissent payer le sang versé pour eux. Mais non : après avoir pris, l’avant-veille au soir, ainsi qu’on l’a vu, l’engagement de se rendre, le lendemain 29, aux avant-postes, de reconnaître la situation

  1. Le ministre de la police, duc de Rovigo, avait visité cette position dans la matinée ; on lit dans ses Mémoires : « Lorsque j’arrivai à Montmartre, je ne fus pas peu surpris de n’y voir aucune disposition de défense ; on y avait grimpé deux ou trois pièces de campagne, et il y en avait deux cents dans le Champ de Mars que l’on aurait pu transporter n’importe sur quel point de Paris avec les chevaux de carrosse de la capitale. Le ministre de la guerre n’avait qu’un mot à dire ; il ne le dit pas. Rien ne fut disposé pour la défense ; les plates-formes n’étaient pas même ébauchées ; il n’y avait pas une esplanade de faite pour mettre des canons en batterie. Bien plus, Montmartre était sans troupes ; la garde nationale fut obligée de l’occuper. » (T. VII, p. 10.)