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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/338

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— 1814 —

pitulation, et comme commissaire pour la remise des barrières de Paris aux Alliés. Le colonel se récria vivement contre cette double désignation : « En signant la capitulation, j’attacherais mon nom à un acte trop malheureux, disait-il au maréchal, et remettre les barrières à l’ennemi est une mission qui me répugne. — Il est pourtant essentiel que l’Empereur sache quelle est la composition et la force des troupes qui vont occuper Paris, répliqua Marmont ; personne mieux que vous n’est en état de prendre à la hâte, au coup d’œil, des renseignements précis qui lui seront d’autant plus utiles, qu’il vous connaît et qu’il a confiance en vous. Aussi est-ce moins un ordre que je vous donne qu’un service que je vous demande dans l’intérêt de l’Empereur comme dans celui de la France. » Le colonel céda. Les troupes, pendant ce temps, continuaient leur mouvement de retraite, et c’étaient les détachements les premiers partis que l’Empereur venait de rencontrer à Fromenteau.

La capitulation de Paris étonna la France et l’indigna. Le peuple ne put comprendre comment Paris, capitale d’un grand empire, centre de toutes les ressources du gouvernement, avec une population de 700,000 âmes, s’était rendu après une lutte de quelques heures. Les nations ont leurs jours d’injustice : le gouvernement de la régente avait été inepte et lâche, l’Empereur imprévoyant et aveugle au delà de toute croyance ; l’armée, sous Paris, s’était montrée héroïque : fait inouï ! elle venait de tuer à l’ennemi plus de soldats qu’elle ne comptait de combattants ; et ce furent les chefs de cette armée qu’on accusa[1] ! Les peuples ont aussi leurs passions : la défaite, même la plus honorable, leur semble une honte qu’ils ne peuvent accepter ; être trahis va mieux à leur orgueil ; la capitulation, signée par les officiers du duc de Raguse, fut re-

  1. Les Alliés, dans leurs états officiels, ont porté le chiffre de leurs pertes, devant Paris, à 14,000 hommes. Au début de la lutte, on l’a vu, les soldats de Marmont et de Mortier étaient à peine 13,000.