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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/349

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— 1814 —

devant la porte du corps de garde. — Non, non, s’écria le prince de Bénévent en avançant avec vivacité la tête hors de la portière ; je n’ai pas de passe-port, et ce n’est pas moi qui violerai les ordres de l’autorité ! » M. de Talleyrand revint rapidement à son hôtel. Quels reproches pouvaient lui adresser l’Empereur ou la Régente ? n’avait-il pas fait publiquement tous ses efforts pour quitter Paris ?

Ce fut à sept heures du matin, au retour de cette course, que le comte de Laborde lui transmit les paroles de M. de Nesselrode. Cette communication inattendue dépassait toutes les espérances du prince de Bénévent ; il l’accueillit en affectant la plus profonde indifférence, et pria négligemment le comte de répéter ces détails au duc de Dalberg, à l’abbé de Pradt et à l’abbé Louis, qui causaient dans un salon voisin, puis de leur demander ce qu’ils en pensaient. M. de Laborde s’empressa d’aller raconter à ces trois personnages ses courses et ses conversations de la nuit et du matin. Pendant ce temps, M. de Talleyrand ne perdait pas une minute pour tirer de la démarche de M. de Nesselrode tout le parti qu’on pouvait attendre de son adresse dans les petites choses et de sa remarquable habileté dans toutes les questions où se trouvaient engagés ses intérêts de vanité ou d’ambition. Il se hâta d’écrire et de faire porter au ministre russe une lettre où il le sollicitait à une entrevue, et mettait à sa disposition et à celle d’Alexandre sa demeure ainsi que sa personne. À quelques heures de là, M. de Nesselrode se présentait à l’hôtel Saint-Florentin, et annonçait au prince de Bénévent que le Tzar, après le défilé et la revue des troupes alliées, viendrait se reposer chez lui.

Tandis que M. de Talleyrand préparait ainsi son influence et faisait sa position, à quelques pas de lui, sur la place Louis XV, sept ou huit royalistes, anciens titrés que l’Empire n’avait pas admis dans les rangs de sa noblesse, ou qui n’avaient obtenu que des qualifications inférieures à celles qu’ils avaient portées, essayaient, de leur côté, de faire tourner le