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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/355

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— 1814 —

silencieux et fort attentif au défilé : compter les troupes qui passaient alors devant lui était une opération que l’habitude lui rendait facile ; mais ce renseignement ne pouvait suffire : il n’importait pas moins à l’Empereur de connaître le chiffre des forces restées hors Paris, ainsi que les noms de leurs généraux. Apercevant, au milieu de l’état-major ennemi, le général Giülay, qu’il avait connu à Vienne et à Schœnbrunn, Fabvier s’approcha de lui, et en obtint, sans même les solliciter, toutes les indications, tous les détails qui pouvaient lui manquer. Le défilé fut seulement terminé à cinq heures du soir : le roi de Prusse alla prendre possession de l’hôtel du prince Eugène, rue de Lille, n° 82, et Alexandre se dirigea vers l’hôtel de M. de Talleyrand, où Fabvier le suivit dans l’espérance d’y rencontrer le prince Wolkonski, chef de l’état-major général allié, et d’en obtenir immédiatement une escorte pour rejoindre nos avant-postes. La petite cavalcade royaliste n’avait pas perdu Alexandre de vue. Quand ce souverain approcha de l’hôtel Talleyrand, il la trouva groupée sur son passage, agitant ses cannes surmontées de mouchoirs blancs, et criant avec un redoublement d’énergie : Vive le roi ! vivent les Bourbons ! « Eh bien, s’écria le Tzar dès qu’il aperçut M. de Talleyrand, il paraît que la France appelle les Bourbons ! »

Cette exclamation tenait surtout à un détail que nous devons expliquer.

Les coalisés comptaient dans leurs rangs des soldats de toutes les nations ; la confusion des langues existait dans chacun de leurs corps d’armée. Non-seulement les régiments d’une même division ne se comprenaient pas, mais plusieurs corps, nos alliés peu de mois auparavant, organisés, armés et habillés par nous, portaient le même uniforme que nos troupes. Cette dernière circonstance avait, assure-t-on, produit ce résultat que, dans plusieurs rencontres, des détachements d’un même corps s’étaient battus entre eux. Pour éviter toute méprise et donner à leurs régiments un moyen de se reconnaître en