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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/376

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— 1814 —

arracha tous les exemplaires affichés dans les rues ; le Moniteur du lendemain et des jours suivants ne lui accorda pas la plus courte mention ; la censure força les autres journaux à garder le silence ; seul, le Journal des Débats, rendu, comme nous l’avons dit, à ses anciens propriétaires, osa reproduire l’œuvre de M. Bellart. Cette publicité suffit pour contraindre le gouvernement provisoire à faire un nouveau pas, et à demander la déchéance de l’Empereur.

Prendre l’initiative de cette mesure était une hardiesse qui dépassait la résolution du prince de Bénévent et des autres membres du gouvernement provisoire ; ils connaissaient depuis la veille la réunion de l’armée impériale à Fontainebleau : une attaque désespérée, un soulèvement populaire pouvaient changer la situation. S’ils hésitaient, il n’était pas un membre du Sénat qui ne dût décliner, à plus forte raison, la responsabilité d’une proposition aussi périlleuse. La difficulté pourtant fut vaincue ; et, par une de ces bizarreries que présentent les temps de crise et de révolution, ce furent précisément quelques amis de la liberté, égarés sur les bancs du Sénat, hommes honnêtes et convaincus, mais dont le patriotisme était plus sincère qu’intelligent, plus ferme qu’élevé, qui se firent, dans cette circonstance, les instruments de M. de Talleyrand et des Alliés, ainsi que les auxiliaires de la Restauration.

La plupart des Sénateurs avaient appartenu aux Assemblées de la première période révolutionnaire. Un très-petit nombre, sept ou huit au plus, parmi lesquels nous citerons MM. Garat, Grégoire, Lambrechts, Lanjuinais, Destutt de Tracy, étaient restés fidèles aux principes de cette grande époque : adversaires résolus du régime impérial, ils avaient combattu ou repoussé tous les Sénatus-Consultes sur lesquels Napoléon avait successivement assis sa dictature. Leurs collègues, mécontents et surpris de cette opposition persévérante, leur donnaient, comme une injure, le nom de républicains ; Napo-