Aller au contenu

Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/383

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
378
— 1814 —

L’adhésion de cette Assemblée entraîna celle de tous les autres corps constitués. La cour de cassation, la cour impériale (depuis cour royale), la cour des comptes, les tribunaux inférieurs, les maires, les officiers de la garde nationale, suivirent cet exemple, le soir même ou le lendemain. L’impulsion une fois donnée, on vit se renouveler l’éternel et honteux spectacle que présente, aux époques de changements politiques, le choc de toutes les cupidités et de toutes les ambitions qu’aiguillonne l’espoir ou la peur. La déchéance fut approuvée, applaudie par les fonctionnaires de tous les ordres et de tous les rangs. Les plus bas prosternés, la veille, devant l’Empereur, s’élevaient avec le plus de violence contre lui. C’était à qui se prononcerait le plus vite ; à qui ferait le plus de bruit de la haine que lui avait toujours inspirée l’Empire ; à qui parlerait le plus haut de son attachement pour le gouvernement nouveau. Cette fièvre de dévouement n’agitait pas seulement tout ce peuple de salariés qui avait des traitements à défendre ; elle enflammait le zèle de cette tourbe de solliciteurs et d’intrigants que l’on voit, dans les moments de crise, se ruer à l’assaut de toutes les positions lucratives. Le gouvernement provisoire, installé à l’entre-sol de l’hôtel de M. de Talleyrand, au-dessous des grands appartements occupés par Alexandre, était difficilement accessible ; ses membres, inconnus d’ailleurs de la foule, ne paraissaient pas en public. En revanche, les souverains alliés se montraient dans tous les lieux de promenade ou de réunion et aux principaux théâtres. Ils recueillaient donc les adulations, les applaudissements que les coureurs de places, les enthousiastes de circonstance et le monde officiel cherchaient vainement à adresser à M. de Talleyrand et à ses collègues. Un seul exemple donnera la mesure des basses adulations qui saluaient partout la présence de ces princes. Voici deux couplets chantés le 3 avril, par l’acteur Laïs, sur la scène de l’Opéra, aux acclamations de toute la salle, lorsque l’empereur de Russie et