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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/384

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— 1814 —

le roi de Prusse parurent dans la loge habituellement occupée par Napoléon :

« Vive Alexandre !
Vive ce foi des rois !
Sans rien prétendre,
Sans nous dicter des lois,
Ce prince auguste
À le triple renom.
De héros, de juste,
De nous rendre un Bourbon.
Vive Guillaume
Et ses guerriers vaillants !
De ce royaume
Il sauve les enfants.
Par sa victoire
Il nous donne la paix,
Et compte sa gloire
Par ses nombreux bienfaits. »

C’est la rougeur au front que nous reproduisons ces rimes abjectes. De tous les soldats alliés, les Prussiens étaient ceux qui avaient montré le plus de haine contre nos populations. Leur passage à travers nos départements avait été partout marqué par le pillage, le viol, le meurtre et l’incendie. Et c’était sur le premier théâtre de Paris, en présence de 3,000 spectateurs applaudissant à grand bruit, qu’on osait célébrer ces excès odieux comme des bienfaits ! Si les Prussiens étaient des sauveurs, quel nom méritaient donc nos malheureux soldats[1] ?

Disons-le bien vite : cette dégradation du caractère national restait, pour ainsi dire, à la surface de la société parisienne et ne pénétrait pas jusqu’aux couches vives de la population. Un observateur attentif, en parcourant les quartiers populeux du centre, mais surtout les faubourgs, pouvait facilement apercevoir que, là, le sentiment patriotique restait intact : il y avait du ressentiment au fond des cœurs, de la tristesse ou de la colère sur les physionomies ; on y insultait, on y arrachait les rares cocardes blanches qui s’aventuraient dans les principales rues. D’un autre côté, bien que les soldats alliés observassent la discipline la plus sévère ; qu’il leur fût interdit, sous peine de la vie, de se promener dans l’intérieur de Paris, ail-

  1. Nous avons sous les yeux une médaille en bronze d’un assez grand module qui fut frappée à cette époque, et où on lit : sur la face, Frédéric-Guillaume III, roi de Prusse. Ange de paix. Paris ; sur le revers, Gallia reddita Europæ (la France rendue à l’Europe). Aprile (avril), 1814. Au centre du revers sont gravées trois fleurs de lis.