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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/395

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— 1814 —

Bourbons n’y intervenait pas. À ce moment, la moindre proposition en faveur de ces princes aurait indigné le maréchal. Il se laissa donc convaincre, et, dès la matinée du 3, à quelques pas seulement de l’Empereur, on put l’entendre, au milieu de ses collègues, dans les groupes de généraux, gémir sur la situation de la France, dont la fortune et la grandeur étaient sacrifiées à la folle ambition d’un seul homme, et déclarer que l’armée devait séparer ses intérêts de ceux d’un chef avec lequel il n’existait ni paix ni repos possible, et qui conduirait inévitablement la patrie à sa ruine.

Fatigués de la guerre, inquiets de l’avenir, tous les auditeurs du duc de Reggio approuvaient son langage ; ils n’hésitaient que devant l’idée d’un lâche abandon. Ce fut dans ce moment de fermentation et d’incertitude que la condition d’abdication, posée par Alexandre à Caulaincourt, pour arriver à une régence et à la paix, vint à transpirer. Chacun accueillit le mot prononcé par le Tzar comme une sorte de révélation ; on entrevoyait enfin une issue ; on avait un but. Pendant la matinée du 3, l’abdication devint le texte de toutes les conversations, de toutes les controverses du palais impérial. Cette combinaison, moyen facile de transaction entre l’intérêt et le devoir, ne donnait pas seulement le repos à toutes les consciences, elle assurait la paix tant souhaitée ; elle laissait debout l’Empire, la dynastie impériale, ainsi que toutes les fortunes, toutes les grandes existences attachées à ce gouvernement. Pourquoi donc l’Empereur n’abdiquerait-il pas ? Voilà ce que l’on entendait, le 3 au soir, autour des maréchaux. Il faut qu’il abdique ! fut le mot du lendemain. Cependant la pensée des hauts lieutenants de Napoléon, dans la première partie de la matinée du 4, n’allait pas au delà de conseils officieux, de représentations respectueuses. Mais, quand l’ordre qui transférait le quartier impérial au delà de Ponthierry fut connu, lorsqu’on apprit que l’attaque de Paris était décidée, tous les sentiments amassés depuis deux jours firent explo-