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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/399

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— 1814 —

hauts lieutenants, se fût montré aux officiers inférieurs et aux soldats, il aurait eu la preuve que les maréchaux, en parlant au nom de l’armée, avaient exprimé une répugnance et des sentiments qu’elle ne partageait pas. Les acclamations qu’il avait entendues quelques instants auparavant étaient sincères. L’armée ne connaissait que l’Empereur ; un mot, un geste, auraient encore suffi pour la faire se précipiter tête baissée au devant de tous les périls. Les officiers de troupe, alors présents à Fontainebleau, ont été plus loin, ils ont affirmé que si Napoléon, au lieu d’annoncer son projet et de laisser aux généraux le temps de délibérer, avait caché sa pensée et marché résolûment jusqu’au delà d’Essonne, ils ont affirmé, disons-nous, que non-seulement les soldats se seraient jetés avec furie au milieu des rues de Paris, décidés à s’ensevelir sous ses ruines, mais que les chefs eux-mêmes, emportés par l’élan des inférieurs, auraient bravement fait leur devoir. Mais c’est le sort de tous les souverains, même les plus illustres, de prendre la voix de leur entourage pour la voix publique : victimes de l’espèce de solitude dans laquelle ils se tiennent enfermés, et du vide que les habitudes de cour et de palais font autour d’eux, les paroles qu’ils entendent, quand elles ne sont pas l’écho de leur propre voix, n’expriment jamais que des opinions exceptionnelles, des sentiments isolés. Napoléon, même dans cet instant suprême, n’eut pas la force de secouer les liens d’une factice grandeur. Il se tint enfermé dans son cabinet. Au bout de quelque temps, il fit appeler le duc de Vicence, puis Macdonald. L’Empereur avait recouvré tout son calme quand le maréchal entra. « Eh bien, duc de Tarente, lui dit Napoléon, vous croyez donc que la régence est la seule chose possible ? — Oui, Sire. — Alors, c’est vous que je charge d’aller négocier avec Alexandre à la place du duc de Raguse. Il vaut mieux que Marmont reste à son corps d’armée ; il y est indispensable. Partez avec Ney ; je me confie à vous ; j’espère que vous avez tout à fait oublié ce qui nous a séparés pendant