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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/41

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— 1793 - 1799 —

Bonaparte, président du conseil des Cinq-Cents, et les principaux membres du conseil des Anciens, le renversement de ce gouvernement directorial dont chaque parti désirait, poursuivait la chute, mais avec la pensée de l’opérer à son profit[1].

Bonaparte était arrivé à Paris le 24 vendémiaire (16 octobre). À vingt-cinq jours de là, le 18 brumaire (10 novembre) au matin, le conseil des Anciens, convoqué par la commission des inspecteurs, se réunit en séance. Les membres étaient

  1. Outre les causes générales qui portaient l’abbé Sieyès à vouloir changer le faible gouvernement établi par la Constitution de l’an III, ce Directeur avait à venger, contre cette Constitution, un grief en quelque sorte personnel. Sieyès n’avait pris une part active qu’aux premiers travaux de l’Assemblée constituante. Vainement Mirabeau, lors de la discussion des principales dispositions de la Constitution de 1791, l’avait appelé, en ces termes, à la tribune : « J’ai prié, conjuré l’abbé Sieyès de nous doter de ses idées ; il m’a refusé ; je vous le dénonce, et vous conjure, à mon tour, d’obtenir son avis, qui ne doit pas être un secret ; d’arracher enfin au découragement un homme dont je regarde l’inaction et le silence comme une véritable calamité publique. » Sieyès ne répondit pas à cet appel, qui devint pour lui, auprès des contemporains, un brevet de penseur de génie ; il resta silencieux, non-seulement pendant le reste de la session, mais encore au sein de la Convention nationale, dont il fut membre, et où il ne monta guère à la tribune que pour abjurer, par peur, à la suite de l’évêque constitutionnel de Paris, Gobel, ses croyances religieuses, et faire hommage, à la Raison, de ses lettres de prêtrise. « Que fait donc Sieyès ? demandaient ses anciens admirateurs. — Il revoit et achève sa Constitution, » répondaient ses amis. Il y avait près de cinq années que nombre de gens, sur la parole de Mirabeau, attendaient cette œuvre secrète comme le dernier mot du système représentatif, lorsque la discussion de la Constitution de l’an III offrit enfin à Sieyès l’occasion de produire au grand jour son mystérieux travail. Le projet qu’il présenta, combinaison obscure, confuse, compliquée, peu saisissable dans ses détails, fut repoussé dans la séance du 2 thermidor. « Au moment où le président en prononça le rejet, a dit le Conventionnel Delbrel, le dépit et le mécontentement de Sieyès se manifestèrent ouvertement. Un député qui siégeait près de moi me les fit remarquer et me dit : « Ce faiseur d’utopies est tellement orgueilleux, tellement tenace dans ses idées, que si, d’un projet présenté par lui, on retranchait une seule virgule, il n’hésiterait pas, s’il en avait l’occasion et les moyens, à faire une révolution pour obtenir le rétablissement de sa virgule. » Sieyès n’avait jamais pardonné à la Constitution de l’an III la préférence qu’elle avait obtenue contre son propre travail, et sa rancune persistante contre cette Constitution n’était pas un des moindres motifs qui le portaient alors à vouloir la renverser