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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/42

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— 1793 - 1799 —

peu nombreux. À dix heures, le représentant Cornet[1] monte à la tribune et dénonce à ses collègues une conspiration qui menaçait la patrie et la liberté de dangers plus grands encore que tous ceux qu’elle avait pu courir depuis 1792. « Si des mesures ne sont pas prises, s’écrie l’orateur, l’embrasement devient général, nous ne pourrons plus en arrêter les dévorants effets, il enveloppe amis et ennemis, la patrie est consumée, et ceux qui échapperont à l’incendie verseront des pleurs amers mais inutiles sur les cendres qu’il aura laissées sur son passage. Vous pouvez, représentants, le prévenir encore ; un instant suffit ; mais, si vous ne le saisissez pas, la République aura existé, et son squelette sera entre les mains des vautours qui s’en disputeront les membres décharnés. »

Tout le discours du représentant Cornet était dans ce style. Le représentant Regnier[2] le remplace à la tribune, sort un papier de sa poche, et, sans la moindre explication, lit un projet de décret contenant les dispositions suivantes : Les deux Conseils composant le Corps législatif sont transférés dans la commune de Saint-Cloud ; ils s’y réuniront le lendemain à midi ; toute continuation de fonctions et toute délibération leur sont interdites dans un autre lieu ; enfin le Conseil confie au général Bonaparte l’exécution du décret, ainsi que la garde du Corps législatif, et place sous son commandement exclusif la garnison de Paris, les gardes nationales sédentaires, ainsi que toutes les troupes qui peuvent se trouver dans la 17e division militaire[3].

Les membres dont on redoutait l’opinion ou l’énergie n’avaient pas été convoqués : le décret passa donc sans opposition. À peine était-il rendu, que l’orateur Cornet se hâtait de

  1. Depuis comte de l’Empire, sénateur, pair de France, etc.
  2. Depuis duc de Massa, grand juge, etc.
  3. L’article 102 de la Constitution de l’an III portait : « Le conseil des Anciens peut changer la résidence du Corps législatif ; il indique, en ce cas, un nouveau lieu et l’époque à laquelle les deux Conseils sont tenus de s’y rendre. »