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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/429

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— 1814 —

fait appeler ses serviteurs les plus intimes. Yvan avait été appelé aussi ; mais, apprenant ce qui venait de se passer, et entendant Napoléon se plaindre de ce que l’action du poison n’était pas assez prompte, il avait perdu la tête et s’était précipitamment sauvé de Fontainebleau. On ajoute qu’un long assoupissement était survenu, qu’après une sueur abondante les douleurs avaient cessé, et que les symptômes effrayants avaient fini par s’effacer, soit que la dose se fût trouvée insuffisante, soit que le temps en eût amorti le venin. On dit enfin que Napoléon, étonné de vivre, avait réfléchi quelques instants : Dieu ne le veut pas ! s’était-il écrié. »

Les souverains alliés attendaient avec impatience la ratification du traité. Surpris de ne pas voir revenir Caulaincourt, Macdonald, resté à Paris, se rendit à son tour à Fontainebleau. Il y arriva le 15 au matin. Lorsqu’il entra dans la chambre de l’Empereur, il le trouva assis devant la cheminée, enveloppé dans une espèce de robe de chambre en basin blanc, les pieds nus dans des pantoufles, les coudes sur les genoux, et la tête appuyée sur ses deux mains. Napoléon était immobile. Le duc de Bassano et Caulaincourt se trouvaient seuls avec lui. La rêverie qui l’absorbait était si profonde, qu’il n’entendit pas le bruit des pas de Macdonald. « Sire, dit Caulaincourt en se penchant vers l’Empereur, voici le duc de Tarente. — Ah ! c’est vous, maréchal ? » répliqua Napoléon d’une voix pénible et en se tournant lentement vers Macdonald. Sa figure était prodigieusement changée. « Mon Dieu ! Sire, s’écria le maréchal effrayé, Votre Majesté est donc indisposée ? — Oui !... j’ai passé une bien mauvaise nuit. » Le maréchal, au bout de quelque temps, parla du traité ; Napoléon demanda au duc de Vicence le double qu’il avait apporté, le lut sans faire d’observation, le ratifia ensuite sans hésiter, et dit à Macdonald : « Je ne suis plus assez riche pour récompenser vos derniers services. — Vous savez, Sire, que jamais l’intérêt ne m’a conduit. — Je le sais ; je vois maintenant combien on m’avait trompé