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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/428

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— 1814 —

Vicence devait l’apprendre le lendemain. Voici en quels termes le baron Fain, dans son Manuscrit de 1814, raconte un des plus saisissants épisodes du séjour de Napoléon à Fontainebleau :

« Dans la nuit du 12 au 13 avril, le silence des longs corridors du palais est tout à coup troublé par des allées et des venues fréquentes. Les garçons du château montent et descendent ; les bougies de l’appartement intérieur s’allument ; les valets de chambre sont debout. On vient frapper à la porte du docteur Yvan ; on va réveiller le général Bertrand ; on appelle le duc de Vicence, on court chercher le duc de Bassano. Tous arrivent, et sont successivement introduits dans la chambre à coucher. En vain la curiosité prête une oreille inquiète ; elle ne peut entendre que des gémissements et des sanglots qui s’échappent de l’antichambre et se prolongent sous la galerie voisine. Tout à coup le docteur Yvan sort ; il descend précipitamment dans la cour, y trouve un cheval attaché aux grilles, monte dessus et s’éloigne au galop. Voici ce qu’on raconte du mystère de cette nuit :

À l’époque de la retraite de Moscou, Napoléon s’était procuré, en cas d’accident, le moyen de ne pas tomber vivant entre les mains de l’ennemi. Il s’était fait remettre par son chirurgien Yvan un sachet d’opium[1] qu’il avait porté à son cou pendant tout le temps qu’avait duré le danger. Depuis il avait conservé avec grand soin ce sachet dans un secret de son nécessaire. Cette nuit, le moment lui avait paru arrivé de recourir à cette dernière ressource. Le valet de chambre, qui couchait derrière sa porte entr’ouverte, l’avait entendu se lever, l’avait vu délayer quelque chose dans un verre d’eau, boire et se recoucher. Bientôt les douleurs avaient arraché à Napoléon l’aveu de sa fin prochaine. C’était alors qu’il avait

  1. Ce n’était pas seulement de l’opium ; c’était une préparation indiquée par Cabanis ; la même dont Condorcet se servit pour se donner la mort. (Note du baron Fain.)