Aller au contenu

Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/436

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
431
— 1814 —

témoigner avec assez de chaleur leur attachement et leurs regrets. Chaque détachement de cavalerie qui se trouvait sur son chemin s’empressait de lui faire escorte, aussi longtemps et aussi loin que les chevaux pouvaient pousser leur course. Pour éviter ces démonstrations, dans l’intérêt même des officiers qui s’y laissaient entraîner, Napoléon précipitait sa marche, et ne s’arrêtait que lorsqu’il y était obligé par la fatigue des commissaires étrangers. Chacune de ces haltes était marquée par des réceptions où se présentaient, comme à l’époque de sa puissance, les autorités et les principaux habitants de la localité ; il les interrogeait, comme il avait l’habitude de le faire, et dans le but, sans doute, de masquer ses erreurs et ses fautes, il accusait exclusivement la trahison des malheurs de l’invasion étrangère et de la rapidité de sa propre chute : « Comment, disait-il au maire de Roanne, vous étiez ici sans soldats ? vous deviez avoir 6,000 hommes de troupes de l’armée d’Espagne. Ah ! si je n’avais été trahi que quatorze fois par jour, je serais encore sur le trône ! » L’attitude de la population changea dès qu’il fut entré dans la vallée du Rhône ; aux acclamations succéda le silence ; à mesure qu’il descendait ce fleuve, la contrainte et la froideur augmentaient ; sur quelques points, on pouvait même apercevoir une expression de haine dans la contenance des habitants. Toutefois, ce fut à Avignon qu’il reçut les premières insultes ; on s’y emporta contre lui en injures grossières et en menaces. Les habitants de la petite ville d’Orgon, qu’il dut ensuite traverser pour se rendre à Aix, ne s’en tinrent pas aux invectives ; sa vie fut menacée. Dans leur effroi, les commissaires alliés chargés de protéger sa personne jusqu’au lieu d’embarquement, le supplièrent de se prêter à un déguisement ; il consentit à revêtir l’uniforme de l’un d’eux : « Vous ne m’auriez pas reconnu sous ce costume, » dit-il à un ancien auditeur au Conseil d’État, alors sous-préfet d’Aix, et qui vint le visiter à son passage dans cette ville. « Ce sont ces mes-