Aller au contenu

Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/437

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
432
— 1814 —

sieurs, ajouta-t-il en montrant les commissaires, qui m’ont sollicité de le prendre, le jugeant nécessaire à ma sûreté. J’aurais pu avoir une escorte de trois mille hommes ; je l’ai refusée, préférant de me confier à la loyauté française. Je n’ai pas eu à me plaindre de cette confiance depuis Fontainebleau jusqu’à Avignon ; mais, depuis cette ville jusqu’ici, j’ai été insulté, et j’ai couru de sérieux dangers. Les Provençaux se déshonorent. Depuis que je suis en France, je n’ai pas eu un seul bon bataillon de Provençaux sous mes ordres ; ils ne sont bons que pour crier. Les Gascons sont fanfarons, mais ils sont braves. Dites à vos Provençaux que l’Empereur est bien mécontent d’eux. » Les insultes et les injures dont il se plaignait continuèrent à le poursuivre ; obligé de s’arrêter dans un château du département du Var, habité par quelques dames, il ne put contenir le sentiment qui l’oppressait, et leur dit en les abordant : « Il paraît que je suis pour les gens de ce pays un brigand et un scélérat ; du moins, tout le monde le dit, convenez-en, mesdames. Maintenant que la fortune m’est contraire, je suis un misérable et un tyran. Mais savez-vous ce que tout cela signifie ? J’ai voulu mettre la France au-dessus de l’Angleterre ; voilà tout. » Les indignes outrages qu’il eut à subir dans cette partie du Midi ne cessèrent qu’à Fréjus : les habitants de cette petite ville l’accueillirent avec le respect qui lui était dû ; les autorités s’empressèrent de venir le saluer : « Vous voyez Napoléon, ce maître du monde, dit-il au maire ; le voilà aujourd’hui empereur de l’île d’Elbe ! que pense-t-on ici de cet événement ? — Sire, on croit que vous vous êtes perdu par les droits réunis et par la guerre. — Je le sais, mais trop tard ; cependant je n’ai jamais fait que prévenir mes ennemis, étant sûr d’être attaqué par eux, si je ne les attaquais pas le premier. Au surplus, j’ai été trahi. Je suis content de la réception qu’on m’a faite dans cette ville. Je regrette que Fréjus soit en Provence. »

Ce fut le 28 avril que Napoléon s’embarqua au petit port