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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/61

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— 1800 - 1807 —

que l’abbé de Montesquiou avait fait connaître à Lebrun : « Si, au 18 brumaire, j’avais connu cette affaire, j’aurais immédiatement fait fusiller Barras, avec ses lettres patentes attachées sur la poitrine. »

Peu de jours après, le Premier Consul portait à la cause des Bourbons des coups plus funestes que ne pouvait l’être l’avortement de cette double tentative de négociation : il rappelait les déportés de fructidor, ouvrait la frontière à un nombre considérable d’exilés volontaires de toutes les catégories, fermait la liste des émigrés, facilitait les radiations, les opérait même de sa main, et commençait à placer dans les administrations publiques tous les anciens privilégiés qui consentaient à s’attacher à sa fortune. Déjà la faiblesse de certains Directeurs, la complicité salariée de leur entourage, celle de quantité de hauts fonctionnaires, et la complaisance des autorités municipales d’un grand nombre de localités avaient ouvert une assez large voie au retour des émigrés ; Bonaparte l’élargit encore au profit de sa politique ; son avènement au Consulat devint, pour l’Émigration. le signal d’une sorte de rentrée en masse. Le vide commençait donc à se faire autour des frères de Louis XVI dans les derniers jours de 1800, quand un revirement inattendu de la Russie vint ajouter une déception nouvelle aux mécomptes qui accueillaient partout et depuis si longtemps les espérances de ces princes.

On a vu que Paul Ier avait embrassé avec feu la cause des Bourbons, et que, non content de défrayer la cour de Mittau et de prendre à sa solde l’armée de Condé, il s’était empressé de mettre au service de l’Émigration une force navale et deux corps expéditionnaires considérables. Ses vaisseaux avaient opéré en Hollande conjointement avec une flotte anglaise. Brune, par sa victoire de Berghem, avait fait échouer cette expédition, que commandait en chef le duc d’York, fils du roi d’Angleterre. Mais les résultats de la défaite n’avaient pas été semblables pour les deux cours : les troupes russes, toujours