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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/62

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— 1800 - 1807 —

placées en première ligne par le duc d’York, s’étaient rembarquées après des pertes considérables, n’emmenant avec elles que des blessés, tandis que le prince anglais, ménageant le sang de ses soldats, et laissant ses alliés supporter tout le poids des régiments républicains, s’était uniquement occupé de capturer la flotte hollandaise et d’en emmener les bâtiments dans les ports britanniques. D’un autre côté, soit incapacité, soit jalousie, les généraux autrichiens n’avaient que faiblement appuyé Souwaroff dans sa malheureuse campagne contre Masséna. Paul, voulant tout à la fois sauver l’honneur de ses armes et se venger, accusa la perfidie anglaise, ainsi que l’ineptie du Conseil Aulique, du double échec qu’il venait d’essuyer en Hollande et en Suisse ; et, changeant inopinément ses alliances et sa politique, il reporta sur la France et sur Bonaparte toute la chaleur de ses affections. Ce fut encore l’Émigration qui paya les frais de cette brusque conversion. Non-seulement le tzar rappela ses troupes, mais il supprima tout subside à ses hôtes du château ducal de Mittau, puis leur enjoignit d’avoir à quitter soudainement cet asile lointain. L’ordre de ce brusque départ parvint à Louis XVIII dans la saison la plus rude de l’année, au mois de janvier. Ses amis de Saint-Pétersbourg essayèrent de lui obtenir un délai. Paul se montra inexorable. Un récent attentat dirigé par quelques royalistes contre la vie du Premier Consul, de cet homme l’objet de sa subite admiration, peut seul expliquer ce caprice de brutale colère.

Le 3 nivôse an IX (24 décembre 1800), à cinq heures et demie du soir, Bonaparte venait de quitter les Tuileries pour se rendre à l’Opéra, lorsque, arrivé aux premières maisons de la rue Richelieu, une forte secousse fait vaciller sa voiture, en brise les glaces, et l’arrache en sursaut au demi-sommeil où il était plongé. « Nous sommes minés ! » s’écrie-t-il. Au même moment une détonation terrible, prolongée, se fait entendre ; une épouvantable explosion de poudre enflammée,