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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/89

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— 1800 - 1807 —

tre eux qui me tombera sous la main ! » Mais les investigations les plus actives ne demeuraient pas seulement sans résultat ; on savait, en outre, d’une manière certaine, que, des deux fils du comte d’Artois, l’aîné, le duc d’Angoulême, habitait Varsovie avec sa jeune épouse et Louis XVIII, et que le second, le duc de Berri, était à Londres auprès de son père. Ce dernier, à la vérité, avait annoncé publiquement que, cette fois, il viendrait partager le péril de ses amis, et que, décidément, il enfoncerait son chapeau ; mais les renseignements les plus positifs prouvaient que ce prince, l’objet des allusions de Georges, n’avait pas quitté l’Angleterre. L’entourage du Premier Consul s’épuisait donc en conjectures vaines, quand une voix, celle d’un ancien évêque, alors ministre des affaires étrangères du Consulat, après avoir été ministre des relations extérieures du Directoire, la voix de M. de Talleyrand, prononça le nom du duc d’Enghien.

« J’étais seul un jour, a raconté Napoléon ; je me vois encore à demi assis sur la table où j’avais dîné, achevant de prendre mon café : M. de Talleyrand accourt m’annoncer une trame nouvelle ; il me démontre avec chaleur qu’il est temps enfin de mettre un terme à de si horribles attentats, de donner une leçon à ceux qui se sont fait une habitude journalière de conspirer contre ma vie ; qu’on n’en finira qu’en se lavant dans le sang de l’un d’entre eux ; que le duc d’Enghien devait être cette victime, car il pouvait être pris sur le fait, faisant partie de la conspiration actuelle ; qu’il avait paru à Strasbourg ; qu’on croyait même qu’il était venu jusqu’à Paris ; qu’il devait pénétrer par l’Est au moment de l’explosion, tandis que le duc de Berri débarquerait par l’Ouest. Or, ajoutait l’empereur, je ne savais pas même précisément qui était le duc d’Enghien ; la Révolution m’avait pris bien jeune ; je n’allais pas à la cour ; j’ignorais même où il se trouvait. M. de Talleyrand me satisfit sur tous ces points. Mais s’il en est ainsi, m’écriai-je, il faut s’en saisir, et donner des ordres en conséquence ! Le sort du prince