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Page:Verhaeren - Les Heures du soir, 1922.djvu/150

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Dans l’ombre, au soir tombant, quand s’éveille le feu
Et que se tait l’horloge où le temps se balance,
Autant que nous, sans doute, ils aiment le silence
Pour se sentir penser au travers de leurs yeux.

Rien ne trouble ni pour eux ni pour nous ces heures
De profonde et tranquille et tendre intimité
Où l’on bénit l’instant qui fut d’avoir été
Et dont celle qui vient est toujours la meilleure.

Dites, comme eux aussi serrent l’ancien bonheur
Fait de peine et de joie entre leurs mains qui tremblent ;
Ils connaissent leurs corps qui ont vieilli ensemble
Et leurs regards usés par les mêmes douleurs.

Les roses de leur vie, ils les aiment fanées
Avec leur gloire morte et leur dernier parfum
Et le lourd souvenir de leur éclat défunt
Se frippant, feulle à feuille, au jardin des années.