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Page:Verhaeren - Petites Légendes, 1900.djvu/53

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C’était l’été. La lune immense et pâle

Laissait tomber sa lumière lustrale ;
Il s’asseyait alors dans la clarté
Translucide de la plaine diamantée,
Les animaux frottaient leur front à ses genoux,
Et le vieux Snul prenait en ses deux mains leur tête,
Fixait ses yeux mouillés sur leurs beaux yeux de bêtes,

Et dévorait, comme un amant, leurs regards doux.


Au mois des ruts, il s’enfermait seul avec elles,

À volets clos. C’étaient des fêtes solennelles
De violence et de bonté. L’homme brûlait
Du fruste et primitif instinct. Il se roulait
Parmi des lèchements et des caresses telles
Qu’il se croyait au temps des fables immortelles,
Où tout ce qui se tord de joie ou de douleur,

Sous les cieux nus, s’aimait d’une énorme ferveur.


Et maintenant, voici qu’il est parti
On ne sait où, vers l’infini.

 

Or, depuis l’aube, à coups d’abois,

Ses chiens hurlent vers les grands bois
Et leur douleur augmente et se propage

Le soir, à travers champs, jusqu’aux derniers villages.


Renards et loups, daims et blaireaux, rats et putois