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Page:Verhaeren - Petites Légendes, 1900.djvu/54

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L’ont reconnue et l’ont enfin comprise.

Et tous partent, sous l’ouragan, dans la nuit grise,
Pattes folles, regards luisants, museau levé,
Ongles courbes, comme des becs,
Faisant un bruit de noyaux secs,

Jetés en tas, sur le pavé.


Et sur le seuil de la maison, le deuil

Toujours hurlant des chiens gardiens s’éplore encore,
Leur parle et les accueille.
« Il s’en alla subitement,
Sans rien dire, sait-on comment…
Voici la cendre encor tiède de l’âtre ;
Voici sa pipe et son bâton de pâtre,
Et l’écuelle commune à tous, et son manteau.
Au jour levant, deux lourds corbeaux,
Ailes grandes, ainsi que des cisailles,
Ont obscurci l’espace et appelé les gens :
On a roulé le mort dans un drap blanc

Et disposé sur le chemin la croix de paille. »


Et les bêtes se sont mises à longuement

Flairer le mort et ses loques de vêtements
Et son bâton et son écuelle et la survie
Chaude encore de sa tendresse inassouvie
Pour leurs ardeurs et leurs instincts.
Leurs cris et leurs sanglots se sont éteints

En désespoir plus morne et n’ont repris leur force