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Page:Verhaeren - Poèmes, t3.djvu/119

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les apparus dans mes chemins


Il imposait — tel un remède au tort de vivre —
À son esprit vaincu, la dispersion ivre
Dans le hallier des lois et des systèmes,
Infiniment, se compliquant eux-mêmes
Et se brisant ou se renouvelant, hagards,
Aux chocs fortuits des inconnus épars
Plus loin que tout regard orbiculaire,
Jusqu’au delà de la puissance de penser.

Dans le trou noir que nous portons en nous, verser
Un rêve éparpillé en chiffres fous,
Fourmis noires, autour du bloc friable et mou,
Où l’on essaie, en vain, d’asseoir un Dieu défunt :
Toutes lignes droites, par des courbes mangées,
Toutes certitudes, par des cirons rongées,
Et l’esprit même, ainsi que miettes,
Disséminé si loin qu’il ne se sent plus un.

Devant les âmes inquiètes
Il déclarait que le grand don
Était de se sentir ramifié
À la forêt du multiple multiplié,
De n’être plus qu’un tourbillon
Qui se disperse au vent mystérieux des choses.