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les vignes de ma muraille

Où des poteaux de fer avec leurs boules de clarté
Tracent sur les départs vers les hasards, leurs signes.

J’étais celle des quais et des pays quittés,
En des départs soudains et des fuites insignes,
J’étais celle des bonds en tonnerres parmi les ponts
Par au-dessus des bras de mer et des grands monts ;
J’étais les yeux de braise du charbon
Et les écailles d’or au ventre des chaudières.
Et mes cheveux ? C’étaient les nocturnes fumées
Des convois noirs, au clair des coupoles illuminées
Et le cri des sifilets, par les gares, la nuit.
Ce cri ! c’était mon cri d’angoisse à l’infini.

Des villes d’ombre étalaient leurs maisons
Sous les nuages en désarroi ;
Quelque chose de tragique et de froid
Tombait des horizons
Où le soleil rouvrait son trou cicatrisé.
Le froid semblait du fer pulvérisé
En brouillard roux sur des Oders et des Volgas ;
Une odeur de pétrole et de platras
Bouchait les ruelles, comme des gorges,
Vers un entassement, là-bas, d’usines et de forges.