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Page:Verhaeren - Poèmes, t3.djvu/166

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poèmes, iiie série


Oh ces villes des Nords fuligineux !
Et ces monuments lourds et ces barres de pluie
Rayant, monotones, des murailles de suie
Qui soulevaient leurs siècles vers les cieux.
Immenses soupiraux entre-bâillant des caves,
Chevelures de poix en feu sur des cargaisons d’or,
Dos que l’on voit, ployés sous leur effort,
Se perdre en des couloirs de souterrains qu’on pave.
Quais de basalte et tourelles de fer
Et cette grue, au bord des flots inextricables,
Qui lève une montagne entre ses câbles
Et la tient oscillante et morne sur la mer.

Dites comme ils sont loin dans les naguères,
Nos deux rêves sur ces lointains embarcadères !

C’était en des lointains plus éloignés, encore,
Sur un grand lac dallé de ciel,
Où des barques lustraient aux vents de miel,
Comme des oiseaux blancs leur voilure d’aurore.
De minces vergues d’or et de cristal
Lignaient et prolongeaient le calme horizontal
Et l’aire à l’infini de cette solitude.