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Page:Verhaeren - Poèmes, t3.djvu/76

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poèmes, iiie série

Les pieds minces dont les grands ongles droits
Sortaient des draps, sinistrement,
Il recouvrait leurs os, par peur du froid ;
Il s’en allait tel un aimant
Vers la gorge déserte et l’épaule flexible,
Il sanglotait, comme un perdu vers l’impossible,
L’esprit anéanti, dans la lumière
Aveuglante de sa chimère,
Et, sur les dents et sur les lèvres purulentes,
Il apaisa longtemps sa bouche violente.
Les fleurs, les merveilleuses fleurs aimées,
Qu’au verger vert, leurs mains, jadis, avaient semées,
Suspendaient l’or et les parfums,
En grappes fortes, sur la morte.
C’était le souvenir des âmes végétales,
Si doucement, que les roses sentimentales
Se détachaient vers elle, et laissaient leurs pétales
Dormir, en baisers clairs, parmi ses doigts défunts.

Dehors, dans la nuit moite et taciturne,
Une lune d’octobre allongeait droit,
Comme pour défendre et protéger le toit,
L’ombre grande des peupliers nocturnes.
Trop haut, pour que l’on vît leurs tragiques voyages,