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les villages illusoires


Jadis — c’était la vie énorme, exaspérée,
Sauvagement pendue aux crins des étalons,
Soudaine, avec de grands éclairs à ses talons
Et vers l’espace immense, immensément cabrée.

Jadis — c’était la vie ardente, évocatoire ;
La Croix blanche de ciel, la Croix rouge d’enfer
Marchaient, à la clarté des armures de fer,
Chacune à travers sang, vers son ciel de victoire.

Jadis — c’était la vie écumante et livide,
Vécue et morte, à coups de crime et de tocsin,
Bataille entre eux, de proscripteurs et d’assassins,
Avec, au-dessus d’eux, la mort folle et splendide.

Entre des champs de lins et d’osiers rouges,
Sur le chemin où rien ne bouge,
Au long des clos et des maisons,
Le blanc cordier visionnaire,
Du fond du soir tourbillonnaire,
Attire à lui les horizons.