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Page:Verhaeren - Poèmes, t3.djvu/88

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poèmes, iiie série


Ses mains grandes, obstinément,
Manient, ainsi que de futurs tourments,
Les marteaux clairs, libres et transformants
Et ses muscles s’élargissent, pour la conquête
Dont le rêve dort en sa tête.

Il a compté les maux immesurables :
Les conseils nuls donnés aux misérables ;
Les aveugles du soi, qui conduisent les autres ;
La langue en fiel durci des faux apôtres ;
La justice par des textes barricadée ;
L’effroi plantant sa corne, au front de chaque idée ;
Les bras géants d’ardeur, également serviles,
Dans la santé des champs ou la fièvre des villes ;
Le village, coupé par l’ombre immense et noire
Qui tombe en faulx du vieux clocher comminatoire ;
Les pauvres gens, sur qui pèsent les pauvres chaumes,
Jusqu’à ployer leurs deux genoux, devant l’aumône ;
La misère dont plus aucun remords ne bouge,
Sentant entre ses mains l’arme qui sera rouge ;
Le droit de vivre et de grandir, suivant sa force,
Serré, dans les treillis noueux des lois retorses ;
La lumière de joie et de tendresse mâle,
Éteinte, entre les doigts pincés de la morale ;