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Page:Verhaeren - Poèmes, t3.djvu/91

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les villages illusoires

Fera surgir, avec ses bras impitoyables,
L’univers neuf de l’utopie insatiable,
Les minutes s’envoleront d’ombre et de sang
Et l’ordre éclora doux, généreux et puissant,
Puisqu’il sera, un jour, la pure essence de la vie.

Le forgeron dont l’espoir ne dévie
Vers les doutes ni les affres, jamais,
Voit, devant lui, comme s’ils étaient,
Ces temps, où fixement les plus simples éthiques
Diront l’humanité paisible et harmonique :
L’homme ne sera plus, pour l’homme, un loup rôdant
Qui n’affirme son droit, qu’à coups de dents ;
L’amour dont la puissance encore est inconnue,
Dans sa profondeur douce et sa charité nue,
Ira porter la joie égale aux résignés ;
Les sacs ventrus de l’or seront saignés,
Un soir d’ardente et large équité rouge ;
Disparaîtront palais, banques, comptoirs et bouges ;
Tout sera simple et clair, quand l’orgueil sera mort,
Quand l’homme, au lieu de croire à l’égoïste effort,
Qui s’éterniserait, en une âme immortelle,
Dispensera, vers tous, sa vie accidentelle ;
Des paroles, qu’aucun livre ne fait prévoir,