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Page:Verne - Les Naufragés du Jonathan, Hetzel, 1909.djvu/295

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III

l’attentat.

« Ça ne peut pas durer comme ça ! s’écria Lewis Dorick, que ses compagnons approuvèrent d’un geste énergique.

La journée de travail finie, ils se promenaient tous les quatre, Dorick, les frères Moore et Sirdey, au sud de Libéria, sur les premières pentes des montagnes détachées de la chaîne centrale de la presqu’île Hardy, qui allaient plus loin se perdre dans la mer en formant l’ossature de la pointe de l’Est.

— Non ! ça ne peut pas durer comme ça ! répéta Lewis Dorick avec une colère croissante. Nous ne sommes pas des hommes, si nous ne mettons pas à la raison ce sauvage qui prétend nous faire la loi !

— Il vous traite comme des chiens, renchérit Sirdey. On est moins que rien… « Faites ci »… « Faites ça », qu’il dit, sans même vous regarder… On le dégoûte, quoi, ce peau-rouge-là !

— À quel titre nous commande-t-il ? interrogea rageusement Dorick. Qui est-ce qui l’a nommé gouverneur ?

— Pas moi, dit Sirdey.

— Ni moi, dit Fred Moore.

— Ni moi, dit son frère William.

— Ni vous, ni personne, conclut Dorick. Pas si bête, le gaillard !… Il n’a pas attendu qu’on lui donne la place. Il l’a prise.

— Ça n’est pas légal, protesta doctoralement Fred Moore.

— Légal !… Parbleu ! il s’en moque bien ! riposta Dorick. Pourquoi se gênerait-il avec des moutons qui tendent le dos pour qu’on les tonde ?… A-t-il demandé notre avis pour rétablir la propriété ? Avant, on était tous pareils. Maintenant, il y a des riches et des pauvres.

— C’est nous, les pauvres, constata mélancoliquement Sirdey…