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Page:Verne - Seconde Patrie - II (1900).djvu/126

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seconde patrie.

haler au-delà des plus hautes marées ?… Harry Gould, Fritz et les autres n’avaient que leurs bras, pas un outil, pas un levier, pas un cric, et l’embarcation était assez lourde pour résister à tous leurs efforts !…

À cette époque de l’année, par bonheur, on n’avait à craindre que les orages passagers. Et puis, les quinze jours qu’ils venaient de passer à terre avaient rendu à tous la force morale et physique, en même temps que la confiance.

Les préparatifs furent achevés dans la matinée du 26. Vers midi. Fritz n’observa pas sans inquiétude certains nuages qui commençaient à se lever du sud. Très éloignés encore, ils prenaient une couleur blafarde. À peine si la brise se faisait sentir. Cependant la lourde masse montait tout d’un bloc. Cet orage, s’il éclatait, battrait directement la baie des Tortues.

Jusqu’alors, les extrêmes roches du promontoire avaient couvert la chaloupe contre les vents de l’est. Même de l’autre côté, les vents de l’ouest n’auraient pu l’atteindre, et, solidement tenue par ses amarres, elle eût évité de trop rudes chocs. Mais si les lames déchaînées se précipitaient du large, l’abri lui manquerait, et elle serait mise en pièces ?…

Essayer d’un autre mouillage au revers du morne ou du contrefort, comment y songer, puisque, même par temps calme, la mer y brisait avec violence…