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Page:Vers et Prose, tome 5, mars-avril-mai, 1906.djvu/80

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LES VILLES TERRIBLES


Le Città terribili


Crépuscule du printemps,
crépuscule d’été,
premières pluies d’automne,
averses bruissantes sur l’immondice
poudreuse qui fermente sous les pas des mendiants ;
pauvres semelles éclatées qui découvrez
un lamentable pied humain pareil à la racine
torse et meurtrie d’une douleur violemment arrachée ;
glouglous fétides, boquets gluants
des cloaques voraces parmi l’ombre azurée
d’un beau soir extatique ;
encombrement fumeux et brouhaha
de la rue sombre où la cohue des appétits
et de toutes les faims se rue à la curée
s’entr’égorgeant avec l’avidité des bêtes fauves ;
droit suprême de la force dominatrice
et qui partage les pitances au tranchant du couteau,
c’est de vous, c’est en vous que j’ai vu resplendir
une gloire sinistre et terrifiante.
C’est bien là votre gloire tragique, ville terrible,
quand la tombée du soir arrête tout à coup
les puissantes myriades de chevaux métalliques