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Page:Vers et Prose, tomes 20 à 23, janvier à décembre 1910.djvu/65

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La nuit miroite, et les grenouilles au lointain
De leurs gosiers rugueux rabotent le silence.

Je sais que le jardin s’exhale, qu’il fait doux,
Que des souffles légers flottent comme des voiles
Et tandis que je songe à vous, autour de vous
Je sais que le silence égoutte les étoiles…


*

Ô souvenir, je pense au seuil où tu m’attends,
Et qu’il faudra rouvrir les anciennes portes
Et que les carreaux verts où riait le printemps
Seront pleins du flamboiement d’or des feuilles mortes.

Sans elle, désormais pourrai-je vous revoir,
Hôtes si familiers au cadre des estampes,
Miroir où souriaient nos visages, miroir !
Et vous, corolles d’or lumineuses des lampes.

Seul, son tendre fantôme aura franchi le seuil,
Je songe à ses baisers, je songe à son sourire,
Elle venait s’asseoir au bras de mon fauteuil
Et je lisais les vers que je venais d’écrire.

Parfois lorsqu’elle avait vers son cou lumineux
Le geste rose et blond des doigts sous la frisette,
La gourmette sonnait avec des reflets bleus,
La lampe était au fond de ses yeux de noisette.

Douceur de l’abat-jour sur les lilas mouillés
Et sur la table à thé, dans l’ombre violette,
Du même éclat que ses beaux yeux émerveillés
Une épingle à chapeau luisait dans la voilette.