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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/107

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derniers de lui être fidèle jusqu’au tombeau, et c’est pour aiguillonner l’heure trop lente qu’elle chante sous les tamariniers. Mais peut-elle s’opposer à sa destinée, écrite au ciel même ?

Les jours se sont enfuis. Nurmahal repose sous un dôme constellé de diamants roses ; deux rançons de radjahs pendent à ses oreilles ; elle siège, au milieu des merveilles, aux côtés du fils d’Akbar, sur le trône mongol. Et la maison d’Ali-Khân est muette ; les jets d’eau se sont tus dans les marbres taris. Mais Nurmahal n’a point été parjure : elle peut régner, puisque son mari est mort. Il revenait vainqueur, ayant sur les lèvres le nom de sa femme, quand le fer de la haine lui a percé le cœur. Et le poète rend gloire à celle qui, fidèle jusqu’au bout à son époux vivant, a dédaigné de trahir et tué auparavant.


On voit que le poète ne s’est pas abstenu d’arranger l’histoire de Nurmahal. Il donne à son héroïne dès son premier mariage, — et ce n’est pas là une entorse bien grave à la vérité, — le nom de Nurmahal qu’elle reçut seulement en épousant l’empereur. Il change le nom de son mari Schère-Af-Koum en celui d’Ali-Khân. S’il suppose que le prince a senti le premier éveil de la passion en écoutant la voix de la jeune femme, ce qui est conforme au récit des historiens, il ne fait pas commencer, semble-t-il, cet amour sous le règne d’Akbar. Il supprime les quatre longues années d’humiliation qui succédèrent pour Nurmahal à son veuvage. Il supprime aussi toutes les tentatives de meurtre auxquelles son mari échappa par son courage et