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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/176

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Le loup déserte ses marais et l’ours sa caverne de sapin. L’aigle descend des nuages, le faucon fend les airs, la mouette s’élance des marais profonds, le cygne du sein des ondes limpides ; les légers pinsons, les alouettes rapides, les gracieux serins viennent se poser sur les épaules du dieu. Les vierges de l’air (c’est-à-dire le soleil et la lune, que les Finnois se représentent comme deux jeunes filles filant un fin tissu) laissent tomber de leurs mains la navette d’or et le peigne d’argent. Du fond des eaux arrivent aussi les poissons aux mille nageoires, les saumons, les truites, les brochets, les chiens de mer, les grands poissons et les petits ; le roi des ondes s’élève sur un nénuphar, l’hôtesse de la mer laisse tomber le peigne dont elle peignait sa longue chevelure. Et tous pleurent, les jeunes gens, les vieillards, les vierges, les petites filles, les héros, les hommes les plus durs. Le vieux Wàinàmôinen lui-même sent les sources de ses larmes s’enfler. Bientôt elles tombent de ses yeux, plus nombreuses que les baies des collines, que les têtes des hirondelles, que les œufs des gelinottes. Elles pénètrent ses cinq vêtements de laine, ses six ceintures d’or, ses sept robes bleues, ses huit tuniques épaisses. Elles deviennent un fleuve et se précipitent dans les profondeurs de la mer. Là, elles fleurirent et ainsi furent formées les perles[1].

Cependant le dieu laissa tomber son kantele dans la mer. Vainement essaya-t-il de l’en retirer avec un râteau long de cinq cents brasses que lui avait forgé le forgeron


  1. Vingt-deuxième runa ; Léouzon Le Duc, t. II, p. 53-58.