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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/177

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Ilinarinnen. Il s’en revenait tout triste quand il entendit pleurer le bouleau.

Et il dit : « Pourquoi pleures-tu, beau bouleau ? Pourquoi gémis-tu, arbre au vert feuillage ; pourquoi te plains-tu, arbre qui portes une blanche ceinture ? Est-ce parce qu’on ne te mène point à la guerre ? »

L’arbre commence une longue plainte, dont la profonde vérité, dit dans une note le traducteur du Kalewala, sera bien comprise par tous ceux qui ont vu la physionomie si mélancolique du bouleau du Nord :


Déplorable opprimé que je suis, les bergers me déchirent pendant l’été, ils découpent ma blanche robe, ils sucent tout mon suc[1]… Déjà trois fois dans cet été, sous l’ombrage de mes rameaux, des hommes se sont assis aiguisant leurs haches et conspirant contre ma tête. C’est pourquoi toute ma vie se consume à pleurer et à gémir ; car je suis sans secours, sans protecteur contre les coups de la tempête, contre les orages de l’hiver. Chaque année la douleur me change avant le temps. Ma tête est fatiguée par les soucis, ma peau devient blanche lorsque je pense aux jours froids, au temps maudit. La tempête m’apporte la souffrance, le froid des jours fatals ; la tempête déchire mes flancs, me dépouille de toutes mes feuilles, et me laisse ainsi nu exposé à toutes ses rigueurs.


Le vieux Wäinämöinen dit : — Ô vert bouleau, ne pleure point, je vais changer ton deuil en joie, tes jours de douleur en jours de fête.


  1. « Le bouleau distille une liqueur fort appréciée des Finnois. » (Léouzon Le Duc.)