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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/193

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les autres pour le roi. La terre trembla sous cette puissante lutte. Des héros tombèrent et leur sang enfanta des rocs, et bientôt la vaste salle ne fut plus qu’un parterre de fleurs. Mais la belle vierge pleurait. Le serpent se roulait en mille replis, ses écailles retentissaient avec un bruit affreux ; il redoubla d’efforts, et d’un bond terrible il s’élança sur le roi de l’Orient.


« Ici, ajoute le narrateur, la voix de mon père s’affaiblit, sa tête retomba sur son sein ; tout fut fini ; et il emporta avec lui dans le tertre la clé de l’énigme. »

Leconte de Lisle n’a garde de supprimer ce combat symbolique des Runoïas et des Guerriers qui prennent les armes, les uns pour l’ancien dieu, et les autres pour le nouveau ; il le développe au contraire et en montre la rage insensée. Mais il ne fait pas graver par l’enfant une dernière runa contre laquelle s’avance, gueule béante pour la dévorer, un serpent formé des autres runas : ni cette lutte singulière des runas, ni la métamorphose qui l’a précédée ne lui ont semblé dignes d’être conservées ; il fait simplement fondre sous le doigt de l’enfant les runas gravées par le vieillard. Puis, tandis que le personnage du Glaive runique laisse son récit sans dénouement définitif, — ainsi le voulait le sujet du drame, — Leconte de Lisle donne à son poème un dénouement conforme aux idées générales qu’il y a exprimées : la tour du Runoïa s’écroule ; le dieu dépossédé descend, lance sur la mer, comme il fait dans la trente-deuxième runa du Kalewala,


Sa nacelle d’airain, sa barque à fond de fer,


et disparaît dans l’espace ; mais il ne s’en va pas avant