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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/232

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et des chênes. Dans une salle de la tour, un grand Christ, une cloche, une épée nue sur un bloc bas. Au feu d’une torche, plantée en un flambeau grossier, un vieillard marchait, les bras croisés sur sa cotte d’acier. Un moine parut et dit : — J’ai fait selon votre commandement. — C’est bien, dit le jarle, elle doit mourir, ayant trahi sa foi ; mais la main d’un serf ne la touchera pas. — Le moine sortit. À l’appel de la cloche, une femme entra, très belle, aux tresses blondes. — Il faut mourir, Tiphaine. — Je suis prête. — Priez encore auparavant[1].


Et Tiphaine pria sous ses longs cheveux d’or,


et l’épée étincelait sur le bloc, et la torche épandait sa clarté sanglante, et la nuit déroulait ses bruits sans nombre.

Tiphaine s’oublia dans un long rêve enchanté. Elle revit toute sa jeunesse, ses courses dans la lande au frais arôme, ses offrandes à l’autel de la Vierge, puis le premier éveil de l’amour, et alors le vieil époux au lieu du jeune amant, le retour de l’aimé, les combats, les remords, la passion plus forte, la chute et son enivrement. Tout est fini maintenant, et Tiphaine peut mourir, puisque le sang du fier jeune homme a déjà coulé. — Femme, te repens-tu ? — Frappe. Je l’aime encore. — Meurs donc dans ton impureté.

Tiphaine soulève ses beaux cheveux dorés et pose sa tête sur le funèbre bloc. L’épée siffle et Tiphaine tombe.


  1. Ceci rappelle un peu Angelo, tyran de Padoue, journée III, partie 1re.