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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/239

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De chaque côté les ruisseaux trottent,
Et se rencontrent au bas de ma chaumière ;
Le bouleau odorant et la blanche aubépine
Unissent leurs bras par dessus l’étang,
Et pour abriter le nid de l’oiseau,
Et pour que les petits poissons reposent au frais ;
Le soleil luit doucement dans l’abri
Où, joyeuse, je tourne mon rouet.

Sur les chênes altiers le ramier gémit,
Et l’écho apprend la plaintive histoire ;
Les linots dans les noisetiers de la colline
Se plaisent à imiter les autres chants :
Le râle au milieu de la luzerne,
La perdrix qui part dans le champ,
L’hirondelle aux détours rapides qui vole autour de ma cabane,
M’amusent quand je suis à mon rouet.

Avec peu à vendre et moins à acheter,
Au-dessus du besoin, au-dessus de l’envie,
Oh ! qui voudrait quitter cet humble état
Pour tout le faste de tous les grands ?
Au milieu de leurs éblouissants et frivoles colifichets,
Au milieu de leurs joies pénibles et bruyantes,
Peuvent-ils goûter la paix et le plaisir
De Bessy à son rouet ?


Mais Leconte de Lisle n’a nullement prétendu faire une copie de ce charmant intérieur. Chose curieuse ! lui si épris, en général, de pittoresque, a ici supprimé le décor : c’est un tableau moral qu’il nous donne, et il y met ce que Burns n’avait pas songé à y mettre, la gravité mélancolique qu’apporte avec elle l’idée de la mort :