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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/303

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de faire jaillir l’exécration comme un vin nouveau, de faire déborder le sang des rois des toits plats, tel qu’une eau sale ; et à ce langage imagé le roi répond par un langage non moins chargé d’images :


Gloire au Très-Fort de Juda ! Qu’il s’apaise !
Sur l’autel du Jaloux, j’égorgerai cent bœufs !

Que suis-je à sa lumière ? Un fétu sur la braise.
La çosée au soleil est moins prompte à sécher.
Moins vite le bois mort flambe dans la fournaise.

Je suis comme le daim, au guet sur le rocher,
Qui geint de peur, palpite et dans l’herbe s’enfonce,
Parce qu’il sent venir la flèche de l’archer.


Quand le poète achève son récit, il n’a rien décrit, à proprement parler, mais il a tout fait voir.

Cette manière de peindre un pays en mettant un coin de décor dans chaque geste et dans chaque parole des personnages était-elle nouvelle en 1862 ? Elle ne l’était pas, même dans l’œuvre de Leconte de Lisle, bien loin de l’être dans l’histoire de notre poésie, puisque c’était celle que Vigny avait appliquée dans ses poèmes bibliques, par exemple dans sa Femme adultère. Mais Leconte de Lisle en fit dans la Vigne de Naboth un usage particulièrement brillant et juste, qui, au moins autant que le sujet, rappelle sans cesse Salammbô. Si l’on a souvent comparé Leconte de Lisle à Flaubert, jamais cette comparaison ne s’impose davantage à l’esprit que lorsqu’on vient de relire la Vigne de Naboth. Dans les deux poèmes, — on peut bien donner ce titre à Salammbô, — ce sont les mêmes mœurs, c’est la même barbarie associée au même luxe, et Akhab jetant aux