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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/302

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bibliques, le récit est mis presque tout entier au style direct : les réflexions d’Achab sont un monologue ; il rapporte à Jezabel les propos de Naboth tels qu’il les a entendus ; Élie rapporte de même textuellement au roi les menaces que Dieu l’a chargé de lui transmettre ; Naboth, pour confondre ses accusateurs, imagine le discours que pourraient tenir ceux qui l’ont mis à l’épreuve. Or, ces personnages, étant des Orientaux, ne s’expriment que par images et comparaisons, et à leur voix tout leur pays surgit ainsi peu à peu devant nous.

Pour expliquer le mépris où on le tient, Akhab dit que sa gloire est une cendre vile et son sceptre un roseau des marais ; pour qualifier l’impuissance de ses désirs, il se compare au lion mort, insulté par la corne du bœuf et par le pied de l’ânon ; sa fortune, qui va s’écrouler, lui rappelle le bœuf qui mugit sur l’autel pendant que le couteau s’aiguise et qu’on le lie. Jézabel s’étonne que son mari, cèdre altier, se soit laissé dompter par le mal comme une faible plante ; elle se flatte de voir fuir l’homme de Thesbé comme un chien affamé qui s’enfuit aussitôt qu’on le brave. Ses arguments sont des proverbes, dont chacun constate quelque trait des mœurs orientales :


Que ne le frappais-tu du glaive ou de la lance ?
L’onagre est fort rétif s’il ne courbe les reins ;
Qui cède au dromadaire arccroît sa violence.


Pour être compris d’Akhab, Dieu lui parle en images : il se vante d’être comme le bon moissonneur,


Qui tranche à tour de bras les épis par centaines,